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L’Édition, un métier à multiples facettes

Par Paul Puechbroussou, membre de Libr’Air

Connaissez-vous les rouages de l’édition en France ? Si ce n’est pas le cas, Paul Puechbroussou, de Libr’Air, vous éclaire sur le rôle d’un éditeur et vous donne un aperçu du marché français du livre.

Tout le monde connaît les grandes maisons d’édition françaises que sont Hachette et Gallimard mais peu savent ce qui se passe réellement dans leurs bureaux. Très loin de la vision romancée que peut présenter Le mystère Henri Pick, l’édition est une industrie complexe aux facettes multiples qui tente tant bien que mal de s’adapter face aux transformations du marché du livre. Mais qu’est-ce qu’une maison d’édition ? Que fait concrètement un éditeur ?

Lorsqu’un auteur décide de publier son nouvel ouvrage, il a le choix (pour simplifier) entre deux alternatives : le mettre à la disposition du public gratuitement sur internet, ou bien le mettre en vente. S’il choisit la deuxième possibilité, il va devoir faire imprimer en plusieurs exemplaires son œuvre, la faire relier, contacter des librairies ou autres points de vente pour qu’ils la mettent dans leurs rayons, créer des publicités… toutes ces étapes sont longues, très coûteuses et nécessitent un ensemble de savoir-faire qu’un auteur ne possède généralement pas. C’est à ce moment qu’intervient l’éditeur, il va servir d’intermédiaire entre l’auteur et le lecteur pour que ce dernier puisse lire l’ouvrage dans les meilleures conditions possibles. L’éditeur va ainsi, en échange d’une partie des recettes, s’occuper de toutes les étapes précédemment citées.

Il est bon de souligner que lorsque l’on parle des éditions Hachette ou Gallimard, on parle de tout et de rien. Ces deux maisons sont des « maisons mères », c’est-à-dire qu’il s’agit d’énormes structures dans lesquelles se trouvent une myriade de filiales différentes. Par exemple chez Hachette on pourra retrouver les éditions Pika, Hatier, Fayard, Grasset, Larousse… car ces filiales sont spécialisées dans la vente d’ouvrages bien particuliers. Elles connaissent parfaitement leur marché et savent donc planifier au mieux le processus d’une vente d’une bande dessinée, d’un roman policier, d’un roman de fantasy ou d’un roman de science-fiction…

Mais un éditeur ne peut être cantonné au rôle d’un simple commercial ou vendeur. Il joue, en effet, pour un livre le même rôle qu’un producteur de cinéma pour un film. C’est-à-dire qu’il va pouvoir avoir, selon le contrat signé avec l’auteur, un droit de regard sur la production de l’ouvrage. Il va procéder à de multiples relectures, conseiller des modifications tout cela afin de s’assurer que l’œuvre puisse se vendre le mieux possible. Car la clé d’un éditeur performant, ce n’est pas simplement être capable de dénicher le nouvel Albert Camus ou bien convaincre les librairies françaises de mettre en vente cette nouvelle saga méconnue nommée « Twilight », mais c’est posséder une connaissance pointue du marché, et même des marchés, du livre.

Quel est-il ce marché d’ailleurs ? Il s’agit d’un marché extrêmement complexe et ce pour diverses raisons. D’une part il est segmenté en de nombreuses niches prenant en compte les réalités démographiques, sociales, culturelles, éthiques, religieuses, les modes… Cela explique le si grand nombre de filiales dans les plus importantes maisons d’édition française puisqu’elles doivent être capables de maîtriser et de s’adapter à chacun de ces segments afin de diversifier le plus possible leurs publications et leurs recettes par la même occasion. De plus, l’autre particularité du marché du livre français est la loi du prix unique du livre (ou loi Lang). Loi votée le 10 août 1981 qui stipule que seul l’éditeur peut décider du prix de son livre (neuf) et que le vendeur ne dispose que d’une marge à la baisse de 5% de ce prix du livre. Cette loi a pour objectif de protéger l’immense patrimoine culturel que représente la lecture et d’éviter de soumettre des œuvres culturelles à la seule loi du marché. Bien que critiquée, elle a permis, jusqu’à aujourd’hui, d’assurer la survie de plusieurs maisons d’édition et surtout des librairies en empêchant des mégastructures comme Amazon de proposer des prix ridiculement bas comme ils peuvent le faire aux Etats-Unis.

Le marché du livre est donc complexe à aborder de par ses spécificités mais aussi de par sa taille. En moyenne, en France, ce sont près de 70 000 nouveaux livres qui sont publiés (en version physique comme numérique) et le chiffre d’affaires des éditeurs avoisine les 2700 milliards d’euros chaque année. Malgré un recul des ventes entre 2017 et 2018 (-0,4%), le marché devrait connaître une certaine croissance cette année notamment grâce au covid-19 et les estimations de 2019 prévoient une croissance de 9%.

Le métier d’éditeur risque également de connaître des transformations dans les années à venir avec la multiplication des livres numériques qui nécessitent aux maisons de créer de nouveaux pôles dédiés à cette branche spécifique. Toutefois, contrairement à ce que l’on peut entendre dans les médias, le marché du livre numérique ne connaît presque pas de croissance depuis plus de dix ans car il ne correspond absolument pas aux pratiques de lectures des français et les éditeurs eux-mêmes ne portent qu’un intérêt modéré à ce pôle.

Enfin, il est important de noter que la figure de l’éditeur est extrêmement controversée. Il est en effet reproché aux grandes maisons d’édition françaises d’abuser de leur pouvoir en captant une grande partie des revenus (les auteurs touchent en moyenne 10% des droits de vente) et en ne faisant aucun effort pour rendre marché du livre plus écoresponsable et circulaire. Cependant, depuis quelques années, de nouvelles maisons d’édition émergent avec pour objectif de prendre en compte ces enjeux et de remettre l’auteur au centre du processus.


Source des données du marché du livre : https://www.culture.gouv.fr/Sites-thematiques/Livre-et-Lecture/Actualites/Chiffres-cles-du-secteur-du-livre-2017-20182