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Le conseil en bref, qu’est-ce que c’est ?

Parce que le conseil attire une grande majorité des étudiants d’école de commerce, mais que ce secteur leur est souvent flou et abstrait, Wiame Boucheqif, Marie Perney et Victor Belloir sont partis à la rencontre de David Cukrowicz, ancien consultant chez BCG. Aujourd’hui entrepreneur, il nous éclaire dans cet article sur le quotidien du consultant et sur ce qu’est finalement le consulting. 


Bonjour Monsieur Cukrowicz. Pouvez-vous vous présenter ?

Bonjour, je suis David Cukrowicz. Je suis diplômé de l’ENSAE, d’un master de finance quantitative. Après l’obtention de mon diplôme, en 2011, j’ai voulu mettre en pratique ce que j’avais appris lors de ma formation : j’ai travaillé en salle de marchés chez HSBC à Londres, avant de m’orienter dans le consulting, secteur dans lequel j’ai aujourd’hui dix ans d’expérience environ.

Je suis resté 1 an chez HSBC, puis je suis rentré en France en 2012, sans projet particulier en tête. J’ai postulé par hasard dans le consulting chez Accenture, où je suis resté 3 ans. Après une réorganisation significative dans laquelle je ne me reconnaissais plus à court terme, j’ai décidé de partir. De façon concomitante, j’ai été recruté par Capgemini Consulting, devenu Capgemini Invent depuis. J’ai par la suite postulé au BCG sous l’impulsion d’anciens collègues et copains qui y travaillaient. J’y ai passé en tout un petit peu plus de 3 ans, puis j’ai décidé de partir peu avant le confinement afin de lancer ma propre boîte ; chose que j’avais en tête depuis longtemps déjà. En parallèle de mon métier de consultant que j’exerce toujours mais à mon compte, j’ai donc développé Lastep, une plateforme qui aide les étudiants et les candidats dans leur préparation aux entretiens pour le consulting. Nous travaillons également avec des écoles comme emlyon, dans le cadre du MSc Strategy & Consulting ! 

Les étudiants en école de commerce sont, pour la majorité, intéressés par le conseil. Néanmoins, ce secteur reste abstrait et est souvent associé à la stratégie. Pourriez-vous revenir sur les différentes catégories du conseil ?  

Il est assez difficile de répondre à cette question lorsque l’on ne baigne pas dedans, en effet. C’est d’ailleurs une question que je posais en entretien : “Comment définissez-vous le consulting ? D’après vous, qu’est-ce que c’est ?” Je pense que chacun a sa propre définition en réalité. Je vois personnellement le consulting comme l’accompagnement des clients dans leurs projets de transformation. Cet accompagnement est vaste et va du support à la définition de grandes orientations stratégiques (le développement de nouveaux produits, de nouveaux marchés, la réduction de coûts, les plans sociaux etc.), à l’implémentation de ces décisions stratégiques, au sein de l’organisation, des processus ou des systèmes d’information. C’est un métier d’accompagnement du client : il faut garder en tête que le client est toujours au centre du métier de consultant.

La différence de positionnement entre un cabinet de conseil en management, comme Accenture et Capgemini (par lesquels je suis passé), et un cabinet dit « en stratégie », se situe selon moi dans la chaîne de valeur du projet. Un cabinet de conseil en stratégie va accompagner les membres du comité de direction ou exécutif (le ComEx), dans la définition de grandes orientations stratégiques. Une fois que ces décisions ont été prises, les cabinets de conseil en management vont piloter leur mise en œuvre. Ayant eu la chance de travailler dans ces deux types de cabinet, il n’y a, selon moi, aucune hiérarchie entre les deux : ils ont chacun leurs avantages et leurs inconvénients. 

Puisqu’on parle d’avantages : le conseil en stratégie attire les jeunes diplômés pour son prestige. Mais qu’offre-t-il concrètement ? En quoi est-ce une expérience valorisante pour sa carrière ?

Le conseil en stratégie offre plusieurs avantages. Tout d’abord, d’un point de vue très matériel, les cabinets de conseil en stratégie sont positionnés assez haut dans les grilles de salaire des jeunes diplômés et tout au long de la carrière. En termes de salaire fixe, c’est l’une des industries qui paie le mieux. Il s’agit d’un avantage très objectif qui a plus ou moins de poids, en fonction des gens.

Ensuite, il offre une richesse dans la diversité des sujets adressés. Lorsque nous sommes consultants, nous devons sans cesse nous adapter, nous réinventer, passer d’un sujet à l’autre. Nous pouvons par exemple travailler sur différentes industries, ou bien sur une industrie mais avec des sujets extrêmement variés. Lorsque nous sommes consultants, nous sommes en permanence en déséquilibre et en dehors de notre zone de confort, en abordant constamment des sujets nouveaux. Finalement, le consulting est une carrière où nous avons la possibilité de ne jamais nous ennuyer, en travaillant sur des thématiques variées.

Toutefois, le prix à payer se répercute en temps et en intensité de travail. Il ne s’agit pas seulement de terminer tard – on ne termine pas toujours si tard en consulting, contrairement aux stéréotypes. Les services des consultants sont vendus très chers aux clients ; en contrepartie, un investissement conséquent est demandé. Il faut ainsi être souvent joignable, produire extrêmement rapidement. Lorsque nous débutons un projet en conseil en stratégie, dès la première semaine, nous devons être capables de montrer aux clients des avancements significatifs par rapport à leur problématique de départ. L’intensité est donc extrêmement importante et le temps à consacrer très conséquent. C’est pour cette raison que la majorité des consultants ne fait pas toute leur carrière dans le conseil.

C’est d’ailleurs un autre avantage qu’offre un cabinet de conseil en stratégie : les opportunités de sortie. Avoir fait 2 ou 3 ans en cabinet de conseil en stratégie est un véritable coup d’accélérateur dans une carrière. En tant que consultants, nous avons l’occasion d’interagir avec des décideurs chez les clients, qui peuvent proposer des opportunités de postes plus haut gradés que ce que notre niveau de séniorité nous aurait permis d’avoir dans un processus plus classique. Les cabinets de conseil ont par ailleurs une image de marque très forte sur le marché du travail ; avoir travaillé dans un cabinet de conseil est un plus, un gage de confiance, car une formation continue est donnée, qui témoigne d’une rigueur de travail que les employeurs apprécient.

Vous évoquiez précédemment le fait qu’un consultant ne fait pas ce métier toute sa vie. Quelle est finalement la durée de vie du consultant ? En quoi le conseil en stratégie est-il un tremplin pour accéder à d’autres carrières ? 

Tout est possible, la « durée de vie du consultant » dépend des entreprises, elles ont chacune leur propre moyenne. Je cite beaucoup le BCG car c’est le cabinet de conseil en stratégie que je connais le mieux, mais c’est assez similaire dans les autres cabinets : la moyenne de durabilité à Paris est autour de 3 ans, mais dans certains bureaux où l’intensité est encore plus forte, comme à Milan, cette durée peut être encore plus courte. Cependant, certains font toute leur carrière dans le consulting, ils vont y passer 20 ans 25 ans, même un petit peu plus pour certains. C’est possible mais cela ne concerne pas la majorité des individus, loin de là. En fait, chaque année, ou chaque fois que l’on en ressent le besoin, il faut se demander si l’on est prêt à continuer d’investir ce temps et cette énergie pour le cabinet en échange de ce qu’il nous apporte en termes de richesse d’enseignement, de variété de sujets abordés, etc. C’est une question qui est extrêmement personnelle.

Certains départs sont volontaires, d’autres non. Dans beaucoup de cabinets, on applique la politique du « Up or Out » : il y a une évolution assez tracée dans la carrière avec des promotions régulières. En cas de performance mitigée ou si le cabinet ne nous projette pas à un grade plus élevé, on peut donc être invité à le quitter.

Pour ma part il s’agissait s’une décision personnelle. Au bout de 10 ans dans le consulting, j’avais besoin de faire autre chose car mon désir d’entreprenariat n’était pas assouvi. D’autres ne ressentent jamais ce besoin, ils sont épanouis et peuvent faire une carrière plus longue. 

Au sein même de cette profession, quelles sont les perspectives d’évolution de carrière ? Quelles en sont les modalités ? 

Chaque entreprise va avoir ses critères d’évaluation et des durées classiques entre chaque promotion. Cependant, tous les cabinets de conseil en stratégie ont un fonctionnement pyramidal avec beaucoup plus de consultants dans les postes les plus juniors. Plus on monte dans la pyramide de grades, plus on gagne en séniorité et moins on trouve de consultants. On retrouve la même pyramide dans la structure d’un projet : la structure interne épouse la  structure que l’on retrouve sur projet. Pour accéder à ces différents grades et obtenir sa promotion, les cabinets de conseil ont mis en place des processus d’évaluation annuel ou semestriel. Lors de ces évaluations, un comité évalue la performance du consultant sur la période ainsi que le potentiel pour évoluer à un grade plus sénior. En fonction de cela, une promotion est accordée ou bien un plan d’actions est défini pour permettre au consultant d’atteindre sa promotion dans un futur plus ou moins proche. 

Quelles sont selon vous les compétences requises pour intégrer ce secteur, notamment en termes de hard et soft skills ? 

Le processus de recrutement des cabinets de conseil est très normé. Il va intégrer des études de cas, ainsi que des entretiens de “fit” pour mesurer l’adéquation du profil d’un candidat au poste pour lequel il postule. Quatre compétences sont testées lors de l’étude de cas : la bonne structure, le “business sense”, le quantitatif, et enfin, l’esprit de synthèse. 

Pour la partie “fit”, on regarde plusieurs éléments. D’abord, si le candidat a bien compris ce que fait le cabinet en question, sa motivation et s’il est capable de démontrer qu’il a déjà développé des skills pertinents pour le consulting. Par ailleurs, lors de l’entretien de fit, le recruteur teste l’envie d’apprendre, l’esprit d’équipe… bref l’adéquation entre son profil et le stéréotype de consultant. Enfin, le recruteur teste également ce que j’appelle le “back-up” : c’est lorsque l’intervieweur va “tirer les ficelles” sur une ligne écrite du CV du candidat pour avoir des détails supplémentaires et évaluer la capacité à pouvoir entrer dans le contenu et pouvoir expliquer des éléments compliqués de manière simple. (Ndlr : le deuxième article de la série traitera de la question des process de recrutement plus en profondeur).

Enfin, la bonne communication est également testée aussi bien lors de l’étude de cas que lors de l’entretien de fit. Là-dessus, le recruteur y juge la clarté du discours, la structure l’”assertiveness“, soit la confiance projetée dans son discours et notre capacité à convaincre. 

D’après votre expérience, existe-t-il une culture d’entreprise propre à tous les cabinets de conseil, notamment en termes de relations hiérarchiques et horizontales ? 

Pour ma part, je n’ai jamais ressenti d’esprit de compétition écrasant. Au contraire, j’ai souvent observé un véritable sens de l’équipe et de l’entraide : lorsque l’on passe du temps tous ensemble chez un client, cela crée forcément des liens forts. Par ailleurs, dans les trois cabinets de conseil dans lesquels j’ai travaillé, j’ai constaté une véritable culture d’entreprise. Cela passe par exemple par l’organisation d’événements très sympathiques, festifs, où l’on aborde d’autres sujets que le travail. Il peut même y avoir des weekends organisés à l’international. Le taux d’adhésion à ce type d’événements est extrêmement fort car les consultant apprécient ces moments fédérateurs. 

Pouvez-vous faire un point sur les différents grades ? (senior, partner, manager)

Dans les cabinets de conseil, la hiérarchie suit une structure pyramidale, avec une nomenclature qui varie selon les cabinets. Ce qui est assez marrant, lorsque l’on rentre dans une salle de réunion, est que l’on peut distinguer facilement le partner, le manager et les juniors. Cette hiérarchie est visible : le partner est un peu le “propriétaire” du cabinet. Il délègue une partie de son pouvoir hiérarchique au manager qui encadre la mission et prend les décisions d’organisation du travail de ses équipes. Ce n’est pas pour autant que cela se fait dans un environnement tyrannique, et loin de là d’ailleurs.

Les cabinets de conseil sont structurellement extrêmement hiérarchiques. Cependant, j’insiste sur le fait qu’il existe de nombreux garde-fous dans les cabinets de conseil pour s’assurer de la bonne santé mentale des équipes, en particulier des juniors mais pas que. Ils vérifient qu’un manager ne tyrannise pas son équipe. Il peut y en avoir certes, mais ce n’est pas du tout la majorité des cas. 

Quid du niveau de liberté laissé aux consultants dans une structure aussi pyramidale ? 

Chaque consultant a son terrain de jeu et son autonomie ; car chaque consultant a la responsabilité d’un ou plusieurs modules au sein d’un projet. Le manager intervient en cas de besoin, et pour vérifier la qualité du travail de l’équipe. En fonction des cas et du type de management, certains consultants vont interagir avec leur manager deux fois par jour et d’autres une fois par semaine seulement. Cela dépend donc du projet, du niveau de séniorité du consultant et du niveau de délégation que laisse le manager. En général, lorsque l’on construit un dispositif projet, on essaie d’avoir un bon mix entre des consultants très juniors, voire stagiaires et qui auront besoin de beaucoup d’accompagnement, et des consultants plus expérimentés qui seront totalement autonomes ou presque.

Avez-vous quelque chose à ajouter ?

Peut-être au niveau des opportunités de sortie ! Concrètement, qu’est-ce que font les gens après les cabinets de conseil ? 

On trouve des opportunités très classiques et d’autres plus exceptionnelles. Il y a selon moi trois opportunités de sortie très classiques. Les consultants peuvent quitter le cabinet pour lancer leur propre boîte, ce cas n’est pas majoritaire mais cela reste parmi les cas les plus fréquents. Une autre opportunité de sortie est le recrutement par un client. Les cabinets ne sont pas du tout réfractaires à ce type de sorties, au contraire ! Les recrutés deviennent des ambassadeurs du cabinet et seront les futurs clients. Enfin, certains se dirigent vers des start-up, qui peuvent proposer des rôles assez stratégiques à des ex consultants qui n’étaient pas particulièrement séniors, après 2-3 années passées dans le conseil. 


Par Wiame Boucheqif, Marie Perney et Victor Belloir